Iran: Hassan Rohani, le changement avec modération
Le modéré Hassan Rohani fait le signe de la victoire, après avoir voté à Téhéran, le 14 juin 2013 (Photo Atta Kenare. AFP)
portrait Le nouveau chef de l'Etat iranien, élu dès le premier tour de la présidentielle, est un conservateur modéré qui aura du mal à satisfaire les plus réformistes de ses soutiens.
Libération
Dans le camp des réformateurs et des conservateurs modérés, on désespérait ces derniers jours de le voir gagner. Ce sont plutôt ses adversaires principalistes (fondamentalistes) qui s’inquiétaient de sa possible victoire, si bien que, pendant la courte campagne électorale, ce fut essentiellement sur lui que se sont concentrées leurs attaques. Hassan Rohani, 64 ans et élu samedi président de l'Iran dès le premier tour, n’est pourtant pas, loin s’en faut, hostile au système. Sans cela, il n’aurait jamais été le secrétaire général du tout puissant Conseil suprême de sécurité national pendant 16 ans, ni dirigé les négociations avec l’Occident sur le nucléaire.
Rohani, un hodjatoleslam (rang intermédiaire dans le clergé chiite), est bel et bien un homme du pouvoir, un religieux qui a mis ses pas dans ceux de Khomeiny avant la révolution islamique, puis, après le triomphe de celle-ci, s’est installé au cœur du système, qu’il a depuis toujours loyalement servi. Ce n’est pas à proprement parler un réformiste, plutôt un conservateur modéré. Le paradoxe, c’est qu’il a été le candidat d’une large partie de la jeunesse iranienne, en tout cas celle des villes, qui s’est mobilisée pour lui mais une jeunesse beaucoup plus radicale et impatiente de changements qu’il aura du mal à leur apporter.
Des partisans de Rohani célèbrent la victoire dans les rues de Téhéran samedi soir (photo Behrouz Mehri. Reuters)
C’est donc surtout par crainte des autres candidats, en particulier Saïd Jalili, le candidat des durs parmi les durs, que les électeurs se sont rendus aux urnes. Et puis, le soutien ferme de Mohammad Khatami, l’ancien président réformateur, et d’Ali Akbar Hachémi-Rafsandjani, qui incarna le changement au seuil des années 90 après les années de plomb qui succédèrent à l’avènement de la république islamique, en 1979, ont pesé lourd dans sa victoire.
En choisissant Hassan Rohani, les électeurs ont d’abord pour voté pour Khatami et Rafsandjani. Ce dernier avait d’ailleurs voulu se présenter mais sa candidature avait été invalidée par le Conseil des gardiens de la Constitution (sorte de Conseil constitutionnel). Une disqualification qui l’a fait apparaître à moitié hors du système alors qu’il en est un des piliers et n’a pu que renforcer encore sa popularité, ce dont a bénéficié Rohani, dont il est très proche. Autre soutien, celui de Mohammad Reza Aref, le candidat réformiste, qui, après une certaine hésitation et sous la pression des états-majors, s’est prononcé sans ambages pour lui.
Un vote massif pour le candidat modéré mais sans grande illusion, donc. C’est vrai que Rohani, même s’il est très proche de Rafsandjani, doit beaucoup au Guide suprême. Pour lui, il a dirigé l’équipe des négociateurs sur le nucléaire, obtenant, en 2003, une suspension de l’enrichissement, ce qui avait été considéré comme une «trahison» par les principalistes. Même s’il n’a pas eu le soutien des puissants pasdaran (les gardiens de la révolution) ni du bassidj, la milice islamique, il n’est pas loin pour autant des forces de sécurité. Au lendemain de fin du régime du Chah, c’est lui qui avait organisé les purges au sein de l’armée, lui encore qui l’a représentée au sein du régime. La présidence de la république islamique étant regardée comme un contre-pouvoir à celui de droit divin du Guide de la révolution, incarnera-t-il les espoirs de changement? Pendant la campagne, il n’a pas vraiment fait preuve de courage. Il n’a jamais demandé la libération de Moussavi et Karoubi, les deux héros foudroyés des élections de 2009.
Rohani, un hodjatoleslam (rang intermédiaire dans le clergé chiite), est bel et bien un homme du pouvoir, un religieux qui a mis ses pas dans ceux de Khomeiny avant la révolution islamique, puis, après le triomphe de celle-ci, s’est installé au cœur du système, qu’il a depuis toujours loyalement servi. Ce n’est pas à proprement parler un réformiste, plutôt un conservateur modéré. Le paradoxe, c’est qu’il a été le candidat d’une large partie de la jeunesse iranienne, en tout cas celle des villes, qui s’est mobilisée pour lui mais une jeunesse beaucoup plus radicale et impatiente de changements qu’il aura du mal à leur apporter.
Des partisans de Rohani célèbrent la victoire dans les rues de Téhéran samedi soir (photo Behrouz Mehri. Reuters)
Un vote de rejet des plus conservateurs
Après deux mandats de Mahmoud Ahmadinejad, le second obtenu grâce à une fraude électorale massive, une économie aux abois, victime de la mauvaise gouvernance du gouvernement plus encore que des sanctions internationales, les Iraniens, hormis ceux qui votent fidèlement pour les candidats les plus proches du Guide, avaient le choix entre bouder les urnes et voter pour un candidat plus modéré, au sourire rassurant, qui, de sucroît, a promis pendant sa campagne qu’il n’y aurait plus de prisonniers politiques.C’est donc surtout par crainte des autres candidats, en particulier Saïd Jalili, le candidat des durs parmi les durs, que les électeurs se sont rendus aux urnes. Et puis, le soutien ferme de Mohammad Khatami, l’ancien président réformateur, et d’Ali Akbar Hachémi-Rafsandjani, qui incarna le changement au seuil des années 90 après les années de plomb qui succédèrent à l’avènement de la république islamique, en 1979, ont pesé lourd dans sa victoire.
En choisissant Hassan Rohani, les électeurs ont d’abord pour voté pour Khatami et Rafsandjani. Ce dernier avait d’ailleurs voulu se présenter mais sa candidature avait été invalidée par le Conseil des gardiens de la Constitution (sorte de Conseil constitutionnel). Une disqualification qui l’a fait apparaître à moitié hors du système alors qu’il en est un des piliers et n’a pu que renforcer encore sa popularité, ce dont a bénéficié Rohani, dont il est très proche. Autre soutien, celui de Mohammad Reza Aref, le candidat réformiste, qui, après une certaine hésitation et sous la pression des états-majors, s’est prononcé sans ambages pour lui.
«On a voté pour la liberté»
Comme le résume Saïd, sur Facebook, en persan, en s’adressant à Hassan Rohani, « nous avons voté pour vous, mais pas que pour votre programme. On a voté pour Mohammad Reza Aref, Rafsandjani, Khatami, Mir Hussein Moussavi et Mehdi Karoubi (les deux candidats malheureux de l’élection présidentielle de 2009, en résidence surveillée depuis 2011). On a voté pour la liberté ». Si lors de l’élection précédente, Moussavi, le candidat réformateur avait choisi le vert comme couleur de campagne, Rouhani avait, lui, choisi le mauve. D’où cet autre commentaire, très ironique, de Ali Kolahi : «votre couleur mauve, c’est le corps de millions d’Iraniens qui était vert mais qui ont tellement été battus qu’il est devenu mauve. J’espère que vous serez reconnaissant de notre vote et j’espère que vous en ferez un capital pour l’Iran et les Iraniens».Un vote massif pour le candidat modéré mais sans grande illusion, donc. C’est vrai que Rohani, même s’il est très proche de Rafsandjani, doit beaucoup au Guide suprême. Pour lui, il a dirigé l’équipe des négociateurs sur le nucléaire, obtenant, en 2003, une suspension de l’enrichissement, ce qui avait été considéré comme une «trahison» par les principalistes. Même s’il n’a pas eu le soutien des puissants pasdaran (les gardiens de la révolution) ni du bassidj, la milice islamique, il n’est pas loin pour autant des forces de sécurité. Au lendemain de fin du régime du Chah, c’est lui qui avait organisé les purges au sein de l’armée, lui encore qui l’a représentée au sein du régime. La présidence de la république islamique étant regardée comme un contre-pouvoir à celui de droit divin du Guide de la révolution, incarnera-t-il les espoirs de changement? Pendant la campagne, il n’a pas vraiment fait preuve de courage. Il n’a jamais demandé la libération de Moussavi et Karoubi, les deux héros foudroyés des élections de 2009.
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