L'Iran avant les élections : les grands reportages de Bernard Chambaz
L’Iran est un carrefour essentiel et possède une situation géographique au contact de la Russie, de l’Inde, de l’Arabie et de l’Europe. Avec la Caspienne au nord, le golfe Persique au sud, un territoire grand comme trois fois la France, un désert plus ou moins cabossé, campé de montagnes qui donnent de l’eau, et des villes où réside une population d’environ 75 millions d’habitants…
Il y a voile et voile, et il y a mille et une façons de porter le voile. Ce qu’on appelle voile, c’est d’abord le foulard. Dans les rues de Téhéran, on voit des foulards noirs et les femmes en ont un usage divers, serré autour du visage, ou bien assez lâche au contraire, et même paré de perles blanches en plastique. S’il y a du vent et si elles ont les mains occupées par des paquets, les plus âgées le tiennent entre les dents pour ne pas laisser paraître plus de peau qu’il ne se doit. Mais la majorité des femmes portent des voiles de couleur vive, certaines le posent sur le sommet de leur chignon de sorte qu’elles ont les trois quarts de leur chevelure à l’air libre, et elles se débrouillent pour qu’on voie, le cas échéant, briller des boucles d’oreilles. Ajoutez à ce tableau des lèvres passées au rouge, des sourcils crayonnés, des lunettes de soleil hollywoodiennes, tous les ingrédients d’une stratégie de contournement de la loi qui leur impose de porter le foulard dans l’espace public. La contrainte est si forte que les femmes, sans foulard dans l’espace privé, continuent à le porter dans les scènes intérieures des films et des séries télévisées. Lire la suite
Dernière virée dans les rues de la capitale iranienne. De l’avenue Taleqani à l’ambassade des États-Unis, au terminus de la ligne de métro numéro 1, au bord de l’autoroute, où l’imam Khomeyni a désormais son mausolée, l’intérêt est de regarder sans œillères et ainsi d’enregistrer des « choses vues » qui permettent de saisir le réel.
L’avenue Taleqani est une grande artère du centre de Téhéran. La traverser n’est pas une sinécure. Malgré les feux rouges, l’exercice tient du gymkhana et de la roulette russe. On comprend vite que les voitures ne cherchent pas à éviter les piétons. Au début, il vaut mieux se mettre à côté d’un autochtone, côté opposé au trafic, et calquer son pas sur le sien. On apprend sans tarder. C’est une question de survie. Et on peut admirer les vieux et les vieilles qui n’attendent pas le feu rouge pour remettre leur destin entre les mains d’Allah. Taleqani est le nom de l’ayatollah qui a été le premier imam à conduire la prière du vendredi à Téhéran après la chute du gouvernement provisoire de Chapour Bakhtiar, en février 1979. Il s’est ensuite prononcé contre l’obligation du port du voile et il s’est opposé au principe de la suprématie du pouvoir divin et du guide, contraire aux principes chiites traditionnels. Il a dénoncé le risque de despotisme et tenté d’éveiller son pays à la démocratie. Il est mort le mois de septembre suivant, deux mois avant l’occupation de l’ambassade des États-Unis. Lire la suite
Chez les bouquinistes, le long du jardin du Golestan, on peut trouver des manuels d’informatique, des brochures sur le cinéma, une étude sur Batman 2, des romans, l’intégralité des Trois Mousquetaires en persan, les poésies de Hafez, un cahier d’exercices de musculation préconisés par Schwarzeneger, Mein Kampf, un manuel de basket-ball, un Pinocchio…
Les pelouses, les bosquets d’arbres, les parcs sont noirs de monde. On vient pique-niquer en famille, assis sur un tapis, des glacières et des cabas autour de soi. Vendredi est une journée de congé appréciée et le soleil est de la partie. Tabriz est établie au bord d’un fleuve. La légende prétend que sa source se situe au jardin d’Eden, ce qui placerait la ville aux portes du paradis. Lire la suite
Sur la place Naqsh-e Jahan, la foule est au rendez-vous, en famille, avec ou sans tapis, avec ou sans glacière, avec ou sans les aïeux. Les enfants courent en tous sens. Chardin a vécu quatre ans à Ispahan, au temps de Louis XIV et du chah Abbas II. Il en a rapporté un remarquable récit, allégrement pompé par Montesquieu…
Quand je débarque, à 5 heures du matin, à la gare routière, au nord d’Ispahan, il fait encore nuit. Comme à l’accoutumée, les passagers s’égaillent en une seconde, les chauffeurs se dépêchent de garer l’autocar au dépôt, un planton fait bouillir de l’eau sur un réchaud pour le thé. Tabriz est à douze heures derrière moi. J’ai encore les yeux pleins de ce que j’ai vu par la vitre : le vert, les rideaux d’arbres, l’eau qui coule entre les peupliers, des silhouettes en chemin, le bétail, un ou deux tracteurs, un village aux maisons en terre, les petits cônes de terre rougeâtre pareils à ceux où saint François a reçu les stigmates. Dans l’autocar, j’ai fraternisé avec les joueurs d’une équipe de volley-ball qui rentraient avec la coupe qu’ils avaient gagnée et avec un jeune ingénieur qui cherchait désespérément du travail. Lire la suite.La guerre en Syrie reste en toile de fond. Toute la presse accorde une grande importance à la conférence internationale organisée ce week-end à Téhéran pour trouver une solution au conflit. Une quarantaine d’États y participent. La presse relaie aussi tout un discours implicite et explicite sur le déclin américain, y compris sur le plan scientifique.
La question économique et sociale est au cœur de la campagne comme elle est, somme toute, au cœur de la vie quotidienne. L’inflation, le chômage, la baisse du pouvoir d’achat sont la préoccupation première. Le diagnostic général met en cause la politique d’Ahmadinejad, sans viser le guide suprême. On évoque les carences structurelles de l’économie iranienne et la corruption. Malgré les fanfaronnades de tout un chacun, on signale l’effet des sanctions, encore accentuées par les États-Unis début juin. La question de la censure s’est invitée dans le débat. Aref et Rohani ont dénoncé les atteintes à la liberté dans le domaine de la culture et de la presse. À quoi Jalili a rétorqué, sans sourciller, qu’il ne fallait pas exagérer et que la liberté régnait, même si deux ou trois journaux étaient interdits. Lire la suite
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